Maître d’ouvrage : Mémorial de l’esclavage de Dakar | SHON : |
Ce mémorial est une procession développée dans l’espace. Elle conduit depuis la pointe de l’Afrique jusqu’au vertige d’un ciel incertain, celui-là même qui est habituellement dévolu aux pauvres gens. Cette pointe de l’Afrique, c’est toute l’Afrique. Ce ciel de Gorée est le ciel tout entier. Un socle se redresse pour dominer son horizon : cette image évoque a la fois la révolte d’une terre martyrisée par les fatalités de l’Histoire et le paradis espéré qui en surgirait. Aucune de ces allusions n’est littérale : l’émotion naît de l’Architecture plus que de l’identification d’un signe aussitôt épuisé qu’il est reconnu. C’est une éthique. Le programme est l’argument qui permet de produire une géographie habitée, la scène du drame qui se joue dans un dispositif rituel. Tout vient à être Architecture car tout ce qui est œuvré prend place dans un assujettissement raisonné à la constitution générale du projet. Celle-ci préserve expressément le dépouillement primordial de l’aspect extérieur qui n’est que terre érigée. L’intériorité discrète des activités est ouverte à la cour qui est le lieu exclusif de l’accès à la mer, comme si l’Afrique par cette cour saignait d’un océan entier.
Le projet s’organise autour des trois entrées demandées par le programme : un long deck suspendu monte du nord en longeant la corniche, commençant d’isoler le visiteur de
On accède ainsi à une petite place suspendue entre deux hauts murs, où un lieu plus intime, comme une chapelle, perce littéralement la grande paroi pour regarder l’île de Gorée. On peut monter ensuite le grand escalier vers l’horizon, la vue, la mer et la liberté du ciel.
Le hall central se trouve au niveau de la terrasse d’arrivée, et se répartit ensuite sur trois niveaux. On sait que l’essentiel du travail architectural dans un musée consiste à donner une lumière satisfaisante et à organiser un parcours simple. Ici, la lumière tropicale a imposé une solution qui permet de la diffuser dans l’ensemble de l’aile des musées sans laisser entre le soleil : on a utilisé une structure de voiles qui guide cette lumière, filtrée par le dernier étage tout entier : c’est celui du musée de la traite, au dessus du hall, qui forme le plafond de lumière de cette aile. Une ligne de programme le long de la corniche abrite le personnel, le support opérationnel, et les ateliers des musées. Le hall donne accès au musée de la navigation qui, lui, se déploie sur deux niveaux : cela permet d’assurer des hauteurs différentes d’expositions. Il est le seul élément du programme à regarder la mer, à travers la grande fenêtre qui troue le mur ouest. Le niveau bas du hall s’ouvre sur la cour des processions, et l’on y retrouve la sortie du musée de la navigation, l’accès au planétarium écarté du bâtiment principal. La librairie, située à ce niveau, est accessible depuis le musée comme depuis le hall. La galerie d’exposition est également à ce niveau, en double hauteur et éclairée zénithalement. La division administrative est située dans l’aile du côté de la mer, accessible aussi bien depuis le hall que depuis la division scientifique. Elle prend sa lumière en s’abritant du soleil, sur les patios suspendus : ainsi la longue paroi reste vierge, seuls le musée et la cour s’ouvrent vers la mer : le bâtiment est un monde qui trouve en son cœur la vie toute entière.